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Photo du rédacteurjmdevesa

De la « base », des Gilets jaunes, des « intellectuels bourgeois » et de la gauche…

Dernière mise à jour : 9 juil. 2022



Quand j’étais « jeune », dans mon courant politique on distinguait les « intellectuels bourgeois » des « intellectuels organiques » : les « bourgeois » avaient été formés au sein des institutions de la bourgeoisie (donc à l’université) et pour la plupart étaient issus de la bourgeoisie, petite et grande (Cf. le livre de Bourdieu et Passeron sur les étudiants : Les Héritiers ) ; les « organiques » étaient issus de la classe ouvrière, principalement, éventuellement des classes et couches alliées, et avaient été formés au sein des structures de lutte de classe dont le mouvement ouvrier et populaire s’était doté. Ces distinctions ont été largement reprises dans les années 1970, on citait alors Mao mais pas seulement, même les « révisionnistes » reprenaient à leur compte cette « classification » et voyaient pas mal de membres du Bureau Politique du PCF ou de son Comité Central comme relevant de la catégorie des « intellectuels organiques ». A cette heure, on redécouvre Gramsci...


Fin du rappel…


2018-2020. Arrivent les Gilets Jaunes. Mon milieu socio-culturel, l’immense majorité des universitaires et des « intellectuels » de gauche vomit le mouvement. La gauche (dans toutes ses composantes : syndicale, politique, de gouvernement, de pas de gouvernement, radicale, extrême, molle, plus dure, guimauve et j’en passe) fait la moue. Les exceptions personnelles et collectives sont rares. Au fur et à mesure que le mouvement s’étiole (cela prendra deux ans), cette même gauche découvre les GJ. Aujourd’hui « ils » sont devenus sujets de thèses, d’enquêtes, d’études, d’articles, de livres. Cela me met mal à l’aise…


Les personnes qui me connaissent un peu savent à Bordeaux que je « tiens » une ligne plutôt « basiste » et suspicieuse à l’endroit des universitaires et intellectuels qui, aujourd’hui, ne risquent plus rien (ni un tir de LBD 40 ni une mise à l’index), encensent les GJ. L’intérêt qu’ils (les GJ) suscitent désormais me paraît suspect : cela ressemble à de la récupération et j’avoue avoir des a priori : les collègues qui vont faire leur carrière ou la conforter en « étudiant » les GJ, je les écoute très attentivement et, comme je suis poli, je ne leur demande pas où ils étaient quand cela castagnait vraiment dans les rues… Ni le CNU ni l’Institut Universitaire de France n’ont distribué la moindre cagoule en 2018-2020, alors maintenant certains discours m’ennuient passablement : words words words


Bon, j’ai écrit ce que j’avais à écrire… en introduction à ce passage du livre Manifeste conspirationniste, Paris, Seuil, 2022 (auteur : ? anonyme), passé malheureusement inaperçu... Le voici :


« La gauche a toujours été du côté des promenades ridicules dans les rues, des plantations d’arbres de la liberté et des phrases sonores d’avocat. C’est l’une des clartés définitives jetées par ces deux dernières années. De la droite, il n’y a jamais eu rien à attendre, sinon la perpétuation de l’injustice héritée. Mais que la gauche ait, au fond, toujours été du côté des vainqueurs, dont elle n’était que la mauvaise conscience hystérique, voilà qui n’était apparu aux yeux de tous, dans l’histoire, que par éclats vite oubliés. Depuis deux ans, c’est un spectacle quotidien, interminable, immanquable. Réactive, empêtrée, poids mort, la gauche a toujours été contre-révolutionnaire de la façon la plus efficace qui soit : en prétendant ‘soutenir le mouvement’. Toujours absente au moment où il faut être là, elle ne vit qu’au futur antérieur, à produire les récits, les notions, les justifications qui expliquent et entérinent la défaite. Du prolétariat, elle n’a d’ailleurs jamais aimé que sa défaite, qui forme aussi la condition de son existence à elle. L’épisode des Gilets jaunes, qui a vu la gauche à l’unisson de la calomnie générale tant que le mouvement était insurrectionnel pour se trouver avec lui des affinités toujours plus fortes à mesure que celui-ci était plus faible, l’avait certes remisé au cagibi. » (p. 49-50 – c’est moi, J.-M. D., qui souligne en gras)


Cet extrait suit une citation d’Auguste Blanqui (à la page 49) :

« Les armes et l’organisation, voilà l’élément décisif du progrès, le moyen sérieux d’en finir avec la misère. Qui a du fer, a du pain. On se prosterne devant les baïonnettes, on balaye les cohues désarmées. […] En présence des prolétaires armés, obstacles, résistances, impossibilités, tout disparaîtra. Mais, pour les prolétaires qui se laissent amuser par des promenades ridicules dans les rues, par des plantations d’arbres de la liberté, par des phrases sonores d’avocat, il y aura de l’eau bénite d’abord, des injures ensuite, enfin de la mitraille, de la misère toujours. » (Auguste Blanqui, « Le Toast de Londres », 1851).


Ce même extrait (celui du Manifeste conspirationniste que j’ai cité) est suivi par cette citation de Dionys Mascolo :

« Le contraire d’être de gauche, ce n’est pas être de droite, mais être révolutionnaire. […] De tout ce qui n’ose pas être franchement, absolument de droite, ou réactionnaire (ou fasciste), à tout ce qui n’ose pas être franchement révolutionnaire, c’est le règne de la gauche, douteuse, instable, composite, inconséquente, en proie à toutes les contradictions, empêchée d’être elle-même par le nombre indéfini des manières d’être unie qui se proposent à elle, encore une fois déchirée, comme on dit, et jamais déchirée par malchance, malveillance ou maladresse, mais par nature. » (Sur le sens et l’usage du mot ‘gauche’).


Photographie de Lîlâ M.





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