Jacques Abeille dans "Infosurr", n° 173
- jmdevesa
- 12 juin
- 3 min de lecture
Richar Walter a eu la gentillesse de me demander de rédiger une petite notice bio-bibliographique consacrée à Jacques Abeille pour la publication qu'il anime avec détermination et une redoutable efficacité, en l'occurrence INFOSURR (Actualités du surréalisme et de ses environs).
Ce texte vient d'être publié dans le numéro 173 (juillet 2025) de ce titre.
En voici le début :
"Jacques Abeille, un poète et surréaliste malvenu au monde
par Jean-Michel Devésa
Jacques Abeille (17 mars 1942 - 22 janvier 2022) a, toute son existence, eu à composer avec le sentiment de n’avoir pas été attendu. Il s’est en permanence heurté à celles et à ceux qui, y compris au sein de sa famille, lui ont fait sentir qu’il n’était pas à sa place : il naît en 1942, à Lyon, d’une liaison adultère, ses parents étant tous deux par ailleurs mariés ; les documents de sa filiation sont falsifiés à la demande de son père, un résistant que la Gestapo assassine en 1944 ; sa mère ne s’encombre pas de lui ; de cinq à dix-sept ans, il est confié à son oncle paternel, un haut fonctionnaire, lequel lui a peut-être fait payer sa propre rivalité avec son frère jumeau, ainsi en Guadeloupe où il a été affecté n’hésite-t-il pas à entraver l’idylle de son neveu avec une héritière de la bonne société en le dénonçant auprès des parents de celle-ci comme un usurpateur. Ce qu’on lui reproche, c’est à maints égards de ne pas être le fils de celui qu’on croyait…
À Bordeaux où Abeille passe son baccalauréat en 1960, sa vie connaît un tournant : arpentant avec le groupe Parapluycha (Pierre Chaveau, André et Georges Mimiague, Alain Tartas) les territoires du rêve, de l’imaginaire et de la poésie, il entre en correspondance avec André Breton et rejoint, une fois pour toutes, l’aventure du surréalisme. Signant dans la revue La Brèche, il agit de fait en correspondant du mouvement. Lorsque trois ans après la disparition de Breton, suivant les recommandations de Jean Schuster, la grande majorité de ses membres opte pour la « suspension » de ses activités, Jacques Abeille ne l’entend pas ainsi, il se range du côté de Micheline et Vincent Bounoure, et de Jean-Louis Bédouin, et participe au Bulletin de liaison surréaliste (1970-1976). Durant cette période, les « vocations premières » de Jacques Abeille, en l’occurrence la peinture et l’ethnologie, sont contrariées : son daltonisme (découvert à vingt-deux ans) l’incite malgré ses doutes et ses hésitations à se tourner vers l’écriture ; son parcours académique (des études en lettres, en sciences humaines et en philosophie) le conduit à « occup[er] à peu près tous les postes subalternes de l’éducation nationale », jusqu’en 1979, date à laquelle il est admis à l’agrégation d’arts plastiques.
Que ce soit dans sa famille biologique ou parmi celle, élargie, qu’il a élue sur le plan littéraire et intellectuel, Jacques Abeille est regardé comme un sujet « à part » (son absence du Dictionnaire du surréalisme et de ses environs (Adam Biro et René Passeron, dir.,1985) est de ce point de vue significative). Pendant quarante ans, ou presque, de 1970 à 2010 (la reprise éditoriale du roman Les Jardins statuaires par les éditions Attila), il est condamné à un succès d’estime et à des tirages confidentiels.
Une nouvelle, La Crépusculaire, signée du pseudonyme de Bartleby, attire l’attention de Régine Deforges (qui la publie en 1971) et, en 1982, Bernard Noël se penche sur Les Jardins statuaires (qui ouvre le Cycle des contrées et dont Jacques Abeille a souvent dit qu’il était un livre sur lequel pesait une malédiction). Envers ces deux-là, Jacques Abeille se sentira toujours redevable ; ils rejoignent ses « Grands Inspirants » : Villon, Pascal, Hugo, Nerval (l’« ami le plus intime »), Julien Gracq et, dans le domaine anglophone, Jonathan Swift et Lewis Carroll. Il n’est pas incongru de poser que c’est avec la trajectoire de Charles Duits que celle de Jacques Abeille présente le plus d’affinités."
Le site d'INFOSURR :



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