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Gwenaëlle Aubry : dépersonnaliser, dit-elle



Les livres de Gwenaëlle Aubry sont de ceux que je lis systématiquement. Ils m'aident dans ma vie parce qu'ils me donnent à penser, à sentir, à rêver, à me souvenir. Ils participent de la "sentimenthèque" qui me permet d'affronter l'humaine finitude. Ils sont, de fait, en dialogue avec les tout petits bouquins que j'écris.


A l'occasion de cette rentrée littéraire, Aubry publie un roman (Zone Base Vie) chez Gallimard et un essai (La Lettre absente) aux Editions du Nid-de-pie.


Gwenaëlle Aubry a eu l'amabilité de m'accorder un long et passionnant entretien ayant trait à sa poétique et sa vision de la littérature (et du monde). Il est publié par Collatéral (merci à Simona Crippa et à Johan Faerber de me fournir ainsi la possibilité de concevoir des "chroniques" littéraires régulières). Voici le lien qui conduit à ce texte :



Et voici comment je présente Gwenaëlle Aubry, au début de cet échange :


"En cette rentrée littéraire, vous publiez un roman, Zone base vie (Gallimard – paru le 22 août) et un essai critique, La Lettre absente (parution le 10 septembre aux Éditions du Nid-de-pie, une nouvelle maison), rassemblant un ensemble de contributions, conférences et articles, jalonnant « un trajet d’environ dix ans (de Personne à La Folie Élisa) » et restituant un « cheminement » qui « n’a pas la cohérence d’une théorie peu à peu vérifiée, mais se fraie dans la constance d’une expérience progressivement élucidée », attendu que, si la littérature n’a pas vocation à « nous réconcilier avec le réel », elle a « la puissance » de « le rejouer », en attestant et en nous rappelant que « d’autres mondes sont possibles, ici et maintenant » (La Lettre absente).

 

J’ai lu avec intérêt, et bonheur, ces deux textes car, loin du spectacle du champ littéraire contemporain et de ses vanités, vous élaborez une œuvre que vous avez entamée en 1999 (avec Le Diable détacheur) et qui, en 2009, a retenu l’attention du jury du prix Femina lequel a distingué Personne, dans lequel vous vous penchez sur la relation au père, non pas sur le mode du témoignage ou de l’intime, mais avec la volonté d’explorer les ressources de l’écriture, et de questionner ce « ‘je’ qui n’est pas moi » et de faire entendre « la foule intérieure, [de] multiples voix, que tous, écrivains et lecteurs, hommes et femmes sans qualités, nous abritons » (La Lettre absente).

 

Des lecteurs pressés jugeront qu’avec Zone base vie vous adoptez un nouveau ton, un nouvel angle, délibérément politique. Pour ma part, j’ai plutôt le sentiment que, dans le droit fil de votre travail, et en fonction de la dynamique propre à votre écriture, vous avez infléchi votre voix en réponse aux sollicitations et à l’interpellation de ce temps – pernicieux (à mes yeux, parce que nous nous apprêtons à franchir un seuil anthropologique, dans l’aveuglement de ce qui nous annihile, en nous épuisant et en nous « atomisant » au quotidien, sous la menace de ce qui peut nous effacer, demain, du fait de la guerre et/ou d’un effondrement écologique) –, dans lequel nous sommes toutes et tous pris. Ce qui fait que votre ouvrage tranche me paraît moins relever d’une inflexion que vous auriez opérée dans vos sujets et vos motifs que du peu d’acuité d’une production romanesque française qui se garde de se confronter à l’Histoire, à la vie, au corps et au désir, et qui nous sermonne, parfois en en jouissant, que « morts, nous le sommes déjà » (La Lettre absente). J’ai ici en tête ce que vous notiez, en 2021, dans votre Saint Phalle. Monter en enfance : « Un livre n’est pas une chambre close où se confiner, portes et fenêtres fermées, mais un espace ouvert à tous les vents, même mauvais, une table de jeu dressée en plein air, comme l’échiquier du Septième Sceau de Bergman posé sur une plage et frôlé par la mer. De nouveaux partenaires surgissent on ne sait d’où, de nouveaux adversaires : il faut les accepter, et même les inviter, y compris la mort et sa traînée de peste noire. Car quelle que soit l’issue de la partie, jouer avec eux c’est déjà triompher. » Est-il exagéré de suggérer que, déjà, était en gestation Zone base vie, un roman dans lequel, en écrivaine, et pas en idéologue ni en publiciste, vous passez au crible ce qui nous est arrivé, socialement, et pour chacune et chacun d’entre nous, lors de la pandémie de la covid ?"





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