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Photo du rédacteurjmdevesa

Histoire d’ours.

Un week-end à Paris, entre la Place d’Italie et le Jardin des plantes. 23-24 octobre.


Ralentir, il en éprouve l’absolue nécessité. Pour se soustraire au temps réel dans lequel le capitalisme de l’économie et de l’image dupliquées aliène désormais la planète, assujettissant toujours plus d’individus à leurs smartphones comme s’ils n’en étaient que les extensions biologiques, et élargissant sans cesse la foule de celles et de ceux qui ne disposent plus du moindre répit pour souffler et respirer, se revigorer, attendu que l’agencement de leur vie professionnelle sociale et personnelle les voue à un procès ininterrompu sans pause ni temps mort, les condamnant à une hyperactivité et une urgence qui les épuisent, les plongent dans le malaise, et les enferment dans un individualisme rageur.


Il essaie pendant ces deux jours de renouer avec le rythme lent de la déambulation et de l’amour.


Presqu’immédiatement il remarque, dans les vitrines des boutiques du quartier boulangeries agences immobilières succursales automobiles, et surtout dans les bars et brasseries, en une inhabituelle proportion par rapport à qu’il en est à Bordeaux, des ours en peluche d’un mètre cinquante environ, affichant entre eux comme un air de parenté, ces vigilants à l’allure débonnaire proviennent de toute évidence d’un unique fournisseur.


À peine une première promenade entamée il a l’impression d’avoir affaire à une aimable compagnie de plantigrades partageant son territoire avec les humains à condition que chacun ait le souci de garder ses distances. De fait, ce sont les sentinelles de la société sans trop de contrôle auxquelles les commerçants et acteurs économiques du coin ont fait appel, probablement par l’intermédiaire de leur association, pour que personne n’oublie l’urgence sanitaire dans laquelle le pays a été installé.


Le message implicitement véhiculé en dit long quant à la manière dont ceux qui ont la charge de la bonne marche des affaires publiques voudraient que les citoyens observent les préconisations des autorités gouvernementales des experts scientifiques et des instances médicales : en l’occurrence, en régressant à l’intérieur d’un dispositif de surveillance et de traçage maquillé en conte pour bambins en culottes courtes et jupes plissées, l’infantilisation valant mieux aux yeux de ces sommités que l’exercice par chacun de sa responsabilité…


Poussant une autre fois jusqu’au Jardin des plantes, il a eu envie d’y visiter les grandes serres, une remontée vers l’époque de ses dérives, émerveillées ou embrunies, selon les moments et son moral, lorsqu’il imaginait par l’errance urbaine forcer l’attente et le destin, ou après avoir été éconduit, alors qu’il était doctorant, ou après son retour du Congo, lesquelles inscrivaient ses pas dans les traces des surréalistes. Et là, ce dimanche, juste au bas du labyrinthe, il a été saisi par un bronze d’Emmanuel Fremiet, Le Dénicheur d’ourson, qu’il a assimilé à une allégorie de la lutte à mort que l’humanité globalisée livre à la nature.





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