G.
Gingembre (particulièrement quand il est confit).
Mon seul et unique dessert lorsque je déjeune ou dîne dans un restaurant asiatique.
Gravure (une, parce que je n’ai pas encore eu l’occasion ni l’argent d’acquérir une gravure de Hans Bellmer, comme j’en avais eu le projet dans les années quatre-vingt-dix).
Ce désir de posséder une gravure de Bellmer a été motivé par le fait que l’auteur de Petite Anatomie de l’image est le créateur de La Poupée, une œuvre qu’il a travaillée, remaniée et remodelée pendant toute son existence ou presque ; et qu’il avait Unica Zürn pour compagne. Durant des lunes, j’ai placé ma vie affective sous le signe de ce couple d’artistes que j’ai considéré comme un modèle. On n’est décidément pas sérieux quand on a dix-sept ans et même lorsqu’on en a un peu plus… Désormais, je n’essaie plus de calibrer mes amours à l’aune de la trajectoire légendaire des uns ou des autres, célèbres ou pas. Aussi l’acquisition d’une eau-forte ou d’une pointe sèche de ce surréaliste me ferait doublement plaisir.
Greco (Doménikos Theotokopoulos, dit El Greco).
J’ai visité cinq ou six fois Tolède. Et j’ai toujours pris la peine de consacrer un quart d’heure à contempler L’Enterrement du Comte d’Orgaz, le tableau d’El Greco conservé à l’intérieur de l’église Santo Tomé, malgré les nombreux et intempestifs groupes de touristes qui, pour la plupart, ne voit pas ce chef d’œuvre avec les yeux mais à travers le viseur de la machine qui leur sert d’écran, caméra vidéo, appareil photo, tablette ou téléphone portable...
Grenade (la nuit, dans les jardins de l’Alhambra, au milieu de la cour du palais de Charles Quint).
C’était en juillet. J’ignorais qu’il était possible de visiter l’Alhambra et ses jardins de nuit. Sous la myriade d’étoiles au-dessus de ma tête, cette construction à l’architecture pourtant massive m’a subjugué. Je n’étais plus sur terre, à Grenade, immobile et silencieux, la magie du lieu m’avait transporté au sein même de l’espace infini.
H.
Hambourg (la Ville-État).
J’y ai vécu et travaillé quatre mois et demi, d’avril à juillet 2012. Professionnellement, tout ne s’est pas déroulé au mieux. Mais les lourdeurs et les paresses académiques, dans leurs phases bureaucratiques, ne m’ont pas empêché de jouir du dynamisme d’une ville qui sait allier la culture, la protection de l’environnement, l’ouverture sur le monde, le respect de l’autre et une liberté de mœurs, pour celles et ceux qui le désirent, de bon aloi.
Hareng (surtout quand il est de la Baltique).
Sous toutes ses formes ou, pour éviter les exagérations, sous toutes celles que j’ai goûtées : donc le hareng frais, fumé, saur, mariné et en rollmops.
Hiver (le voyage d’).
Celui de Schubert et dans l’interprétation de José Van Dam.
Hongrie (notamment celle de 1956, au soleil levant).
Je suis assez régulièrement allé en Hongrie et plus particulièrement à Szeged dans le cadre de mon travail universitaire. Plusieurs de mes homologues sont des ami(e)s. Lorsque j’étais lycéen puis étudiant, la Hongrie socialiste de János Kádár a alimenté une partie de mes rêves dirigés. Pour être franc, c’était le cinéma de Miklós Jancsó (des films comme Rouges et blancs, Silence et cri, Sirocco d’hiver et Psaume rouge) qui m’enthousiasmait. Et pour ne pas verser dans l’hypocrisie ce sont ses actrices qui m’émouvaient, elles étaient les héroïnes de ma Hongrie soleil levant…
I.
Île (pour une retraite).
Je serai ravi de passer un été, voire un séjour de juin à septembre, sur l’île d’Hiddensee au large de celle de Rügen. On n’y circule qu’à vélo, à l’exception de quelques véhicules réservés aux services publics et aux secours.
Italie (celle du Couvent des Capucins à Amalfi).
Dans ce couvent transformé en hôtel, je ne suis descendu qu’une seule fois. Il y est une chapelle désaffectée mais accessible aux clients dans laquelle après un dîner frugal pris sur la terrasse dominant la mer je souhaiterais énormément envoyer une femme, pour qu’elle m’y attende agenouillée sur la pierre, nue sous une robe chastement ceinturée à la taille.
Ivoire (avec la préposition « en », dans le syntagme « un olisbos en ivoire »).
À l’époque de mes vingt ans, une femme (que dans mes écrits je désigne parfois du sobriquet « la tractoriste », c’était en effet une militante et nous évoluions dans les mêmes parages politiques, pas dans la même organisation), cette femme donc a beaucoup compté. Notre relation s’est terminée quand je suis parti travailler en Algérie. Au bout de quelques semaines, elle m’a écrit pour m’annoncer sa décision. Lors des congés de Noël, nous nous sommes vus, dans la douleur. Et sottement, une dernière fois, nous avons dormi ensemble. Cela m’était déjà arrivé. Cela n’avait pas été malin. Cette nuit encore, ces adieux charnels ont fait plus de mal que de bien. Lors de cette ultime étreinte, ma partenaire m’a confié un fantasme. Elle aurait aimé que je la prenne, dans une certaine position, avec un phallus en ivoire posé sur la couche, à hauteur de son visage. Quarante ans et quelques pailles plus tard, ces paroles retentissent toujours à mes oreilles. Si je retourne à Brazzaville ou séjourne dans une capitale d’Afrique centrale, en mission pour mon travail, ou lors d’un voyage privé, je ne manquerai de commander à un artisan ivoiriste de la place la confection d’un god taillé et poli. Il ne s’agira pas d’une relique mais d’un objet à destination… Cet aspect des choses ne vous regarde pas.
J.
Jambes (les).
De préférence longues et sur des talons. Je profite ici d’exalter la brutale sensualité de leur nudité au printemps, aux premiers rayons du soleil, quand les femmes ôtent leur vénéneuse parure de nylon ou de soie : le collant, symbole pourtant de libération dans les années soixante, me fait songer aux langes ou aux casseurs de banques se dissimulant le visage sous un bas, je vous laisse le soin de deviner pourquoi.
Jeu (un ou des, encore mieux les).
Terme consacré pour désigner les pratiques contractuellement acceptées, souhaitées, attendues. Son mérite est de les dédramatiser et d’en situer parfaitement la sphère, en l’occurrence celle de l’intime et d’un plaisir partagé.
Jine (pas celle de Robbe-Grillet, celle qui est entrée dans ma vie avec le minitel).
Elle était à louer. J’ai été un de ses clients. Plusieurs années. Et puis elle fait de son moi son amant et son ami de cœur. C’était une Castillane, une brune aux yeux farouches. Elle m’a soutenu avoir travaillé dans l’équipe de Françoise Dolto, je n’ai pas vérifié ; quand je l’ai rencontrée, elle était psychologue pour enfants dans une institution du Loir-et-Cher, près de Mer, une bourgade réputée pour ses entreprises de constructions navales, cela ne s’invente pas. À Paris, elle vivait en couple avec un homme qui était dans les affaires, ce qui ne l’empêchait nullement de se prostituer. Cela participait de leurs jeux. Notre liaison, au milieu des années 90, a duré près de deux ans. La dernière fois que j’ai parlé à Jine au téléphone, elle sortait de l’hôpital. Elle m’a prié d’écourter notre conversation, ce n’était pas le moment, elle était épuisée, il fallait rappeler, une autre fois, plus tard, elle était vraiment fatiguée... Je ne l’ai pas fait. On m’a dit que sa fin avait été pénible. Jine m’a énormément appris, je resterai en dette vis-à-vis d’elle. Que la terre lui soit des plus légères et qu’elle repose enfin en paix…
Joie (une joie plénière, totale, entière, donc sans article).
Quand le jouir secondé d’Eros s’aventure du côté de la jouissance et repousse le charme vénéneux de Thanatos. Moment d’exception que j’associe forcément à ce papillon surréaliste qui, depuis mon adolescence, m’a toujours fait sourire : « Joie énorme comme les couilles d’Hercule ».
Jouir (un verbe qui est sans danger).
Parce qu’il est impossible d’en mourir.
K.
Kapock (le).
Pour la beauté explosive de ces deux syllabes : kapock.
Khôl (le).
Le cosmétique qui fait de la femme qui en use l’égale de la Reine de Saba.
Kimono (avec l’adjectif possessif « mon »).
Un kimono est composé de plusieurs pièces, il peut être très onéreux. D’un voyage au Japon, des amies nous ont rapporté deux accessoires d’occasion appartenant peut-être à un même vêtement d’homme, il me semble qu’il s’agit plutôt de deux éléments disparates. Ma compagne s’est vue offrir le plus petit des deux, lequel est noir, un néophyte le prendrait pour un habit complet, ce qui n’est pas le cas ; j’ai hérité du plus grand, qui est marron. Il me fait penser à une gandoura, à ceci près que le tissu et la couture de ce kimono sont nettement plus sophistiqués que ce qu’exige une tunique maghrébine.
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