Pendant cinq ans, j’ai tenu un blog et j'y ai écrit quotidiennement. J'avais conçu cette tribune virtuelle comme une vitrine pour mes travaux universitaires (que je mettais en ligne pour mes étudiants) et comme un lieu d'information, d'échange et de débat. J’avais structuré cette « fenêtre » en rubriques et il y en avait une qui fait fonction de « gueuloir ». Cette activité de diariste m’a beaucoup aidé : je ne sais pas si j’écris facilement mais, pour peu que je dispose de temps pour m’y consacrer, j’écris sans redouter le vertige de la page blanche.
Il me semble que l’usage et la pratique du blog ont en quelque sorte entraîné ma plume.
Par ailleurs, j’ai regardé ces textes mis en ligne comme des matériaux et je n’hésitais pas à y puiser afin de les remanier et de les intégrer à un ouvrage, et donc à une « séquence » de plus grande dimension, dont le registre et le fonctionnement différaient. Un texte une fois publié, sur le Net ou sur papier, en revue ou en volume, n'est pas (pour moi) intouchable ni sacré. Je peux le reprendre, le remanier. C’est la grande leçon que j’ai tirée dans mes jeunes années de la « fréquentation » assidue de René Crevel qui n’a pas hésité à réutiliser de la sorte plusieurs articles lors de la rédaction de Mon Corps et moi (1925). J’ai gauchi une formule de Spinoza (concernant la nature) pour définir l’écriture de Crevel en tant que scriptura scripturans. J’ai peut-être tort d’analyser dans les mêmes termes celle d’Alain Robbe-Grillet et deux ou trois autres écrivains auxquels je me suis intéressé. Quoi qu’il en soit, je crois bien que mon écriture « obéit » à ce principe.
J’en reviens à ce blog que je tenais…
Je l’ai fermé quand j’ai eu l’impression que les réseaux sociaux supplantaient la pratique du blog et la « tuaient ». J’ai alors « migré » vers un de ces supports et y ai animé un « mur » pendant une dizaine d’années. Je m’en suis retiré en mars 2021 parce que j’étais las d’être inconséquent : comment pouvais-je condamner ces instruments d’aliénation du capital sans travail et de l’économie (et de l’image) de la distribution (voir le livre d’Annie Le Brun et de Juri Armanda, Ceci tuera cela, Stock, 2021) et y consacrer autant de temps et d’énergie ?
Aujourd’hui, j’ouvre un site « officiel » comprenant un blog. J’entends les utiliser comme des outils :
-pour faire connaître d’abord ma production littéraire
-et ensuite donner un aperçu de mes activités académiques,
-ainsi que pour diffuser avec parcimonie quelques réflexions quant au cours du monde, de la pensée et des arts, depuis « mon désert ».
La mise en ligne de ce site marque par conséquent un « nouveau départ ». Je formule des vœux pour que les semaines et mois à venir ne réduisent pas à néant mes vertueuses intentions : ne pas devenir une prothèse de la machine ; ni me complaire dans le statut de « marchandise » du capital sans travail. Nous verrons. L’avenir dure longtemps.
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