"Aux oiseaux polyglottes, le futur !"
- jmdevesa
- il y a 8 heures
- 4 min de lecture
Je suis très reconnaissant à toute 'équipe du collectif "Le Colvert du peuple" de Fribourg (Suisse), et notamment à J. et à F., d'avoir jugé opportun d'une part de me demander un texte (relatif à la séance du Conseil des Etats, à Berne, où une motion réclamant la reconnaissance de l'Etat de Palestine - qui émanait du Canton de Genève - a été repoussée), et d'autre part de l'avoir publié ce jour :
Cette "commande" et le sort qui lui a été réservé me touchent énormément. Voilà deux ans en effet que je vis et travaille (en l'occurrence : j'y écris) à Fribourg. Cette ville est désormais mon "poste de vigie" : pour l'existence qui est la mienne ; pour les petits romans que je souhaite écrire, avant de tirer ma révérence. Je m'efforce de la comprendre, je m'applique à m'y intégrer. Dialoguer, échanger, discuter, faire, agir, réfléchir avec celles et ceux qui ne s'accommodent pas de ce temps et rêvent d'un autre monde, c'est à cette "tâche" que je consacre une bonne partie de mes journées. Alors, forcément, l'attention que les ami(e)s du "Colvert du peuple" peuvent m'accorder, ce n'est pas rien. C'est beaucoup. Je veux ici les en remercier.
Et je vous encourage à rendre visite à leur site.
Et pour vous y inciter, je reproduit ci-après l'entame de mon "papier" :
" Je ne suis pas un enfant du bon dieu et j’aime bien les canards sauvages, pour autant je ne sais pas bien qui je suis, je m’accorde moins une identité qu’un devenir, je crois bien avoir pour l’essentiel toujours raisonné ainsi, la nationalité de mon passeport et néanmoins citoyen de la terre et de ses nations : un Français par le hasard et la culture, né en Algérie d’un père espagnol jamais naturalisé et d’une famille maternelle d’origine italienne mais algéroise depuis trois générations, et aussi un peu basque à la fin des années 1970 lorsque j’ai enfin compris que le train de la révolution en France était passé, avec les corps de Pierre Overney de Henri Curiel et de Pierre Goldman on l’avait enterrée, la révolution ; sur les rives du Rio Nervion peut-être pas, à Bilbao on m’a alors dit : tu es basque si tu vis travailles et luttes avec nous et partages notre combat, cela me convenait, c’était la geste de l’internationalisme prolétarien, de tous les pays unissez-vous, n’est-ce pas, et faites sonner les cloches de Bâle pour empêcher la guerre, nous n’irons pas mourir pour les patrons et les trusts, crosses en l’air. J’ai grandi je me suis instruit dans cette idée, et les camarades des organisations auxquelles j’ai appartenu m’ont enseigné de la sorte. Aujourd’hui quand je prends connaissance de la presse ou si j’écoute autour de moi j’ai l’impression d’être un drôle d’oiseau, nationalisme et identité partout, humanité nulle part, et en mémoire Leonard Cohen qui chante Le Partisan, j’ai changé cent fois de nom j’ai quitté femme et enfants mais j’ai tant d’amis, la planète entière…
Aussi ma patrie mentale est-ce un machin qui relie Bordeaux à Alger Biskra Bangui Brazzaville les îles Kerkennah une communauté à McAllen Texas, Hambourg et Hiddensee, les ruines de Butrint en Albanie la place Rouge à Moscou et celle de Tienan’men à Pékin, et les rails du Transsibérien, moi me rêvant en commissaire politique d’un état imaginaire et des chimères plein la tête, bref en oiseau qui sacre le printemps et couve un Igor Stravinski, Nougaro l’a clamé, Mai Mai Mai Paris Mai Paris, tandis que tout un chacun était rentré dans son automobile, ma parade a été de rouler ma bosse, oiseau migrateur, avec un faible pour les palmipèdes – à vrai dire, d’abord et surtout pour les oies, les pingouins et les vautours cela m’ennuierait – toutefois jamais je ne suis pris pour l’un deux, j’essaie de vivre en humain pas trop enfermé dans les préjugés de son époque, je laisse aux autres le soin de dire (s’ils en ont envie et s’ils estiment que cela importe) si je parviens ou non à satisfaire à quelques clauses de ce programme, surtout que j’approche du crépuscule et qu’il est probable que je n’aille pas mourir au Pérou, ni à Collioure comme Antonio Machado lors de la Retirada (à qui il a suffi de faire trois pas hors d’Espagne pour s’endormir définitivement). Vous faudra-t-il rendre dans un coin de Suisse pour sur ma tombe déposer une pierre et des fleurs ? Rien ne presse, je vous rassure, le piaf est encore capable de voler de ses propres ailes, sur de longues distances, et haut dans le ciel…
D’ailleurs, chez vous, le pierrot n’est-il pas en train de tisser son nid, ne le voyez-vous pas, en doutez-vous, il vous l’a confié : être de quelque part c’est y vivre y travailler et y lutter, je m’y efforce, en vivant à Pérolles et en y écrivant, et en y luttant avec d’autres, avec vous, en solidarité avec le peuple palestinien, et contre le génocide dont il est victime.
La cause palestinienne et moi, c’est une longue histoire, elle passe par mes vingt ans et la faculté des lettres de Bordeaux 3, et la palmeraie de Biskra et le lycée Ibn Khaldoun, ainsi que par les livres de Jean Genet, et Sabra et Chatila, ma compagne n’a pas tort, je digresse et divague, laissons la généalogie de mon rapport à la Palestine pour n’évoquer que cette matinée où, au Palais fédéral, le Conseil des États avait à se prononcer sur une initiative émanant du Canton de Genève, laquelle préconisait la reconnaissance de l’État de Palestine. C’était le mardi 9 septembre. Avec un ami qui bénéficiait de l’invitation d’une conseillère, laquelle avait bien voulu que j’en sois aussi, ce matin-là j’ai pris très tôt le train pour Berne…"




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