La Révolution à la portée de tous les inconscients ?
- jmdevesa
- il y a 7 heures
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Mon intervention aux XVIIe Rencontres "Actualités de Marx et Nouvelles pensées Critiques".
(Merci notamment à Dominique Belougne).
En voici le début :
"Avant d’entamer mon propos, et en vue de réduire le plus possible l’éventualité d’un malentendu, je voudrais expliciter les deux préceptes qui ont guidé son élaboration :
-d’une part, je n’imagine pas une action politique d’envergure sans outillage théorique, mais pour ce qui me concerne je suis loin d’avoir l’étoffe d’un théoricien et, pour être franc, en tant qu’écrivain désormais à temps plein, je me sens plutôt enclin à solliciter l’Autre de la théorie, donc la littérature, pour informer et illustrer mon appréhension de la problématique qui nous réunit, « Révolution ! Vous avez dit Révolution… ? ».
-d’autre part, la modestie de mes remarques n’est pas rhétorique mais sincère (sur le plan psychologique) et programmatique (dans le champ politique), elle participe à la fois d’un « être-à-la-cause » et d’une éthique tournant le dos à l’arrogance et à l’expertise des petits timoniers ; elle est en outre aux antipodes de la foi du charbonnier qui, à mes yeux, ôte toute crédibilité au discours militant, celui des organisations et celui tenu par les femmes et les hommes, a fortiori celui des dirigeantes et dirigeants, qui les incarnent.
En ce centenaire du Manifeste du surréalisme et de l’émancipation au quotidien qu’André Breton et ses amis ont tenté d’impulser, sur la base de la contagion de l’exemple, puis en se mettant au service de la révolution de la IIIe Internationale, je me propose de partager quelques réflexions, en tant que communiste sans carte et auteur aspirant à inscrire sa trajectoire personnelle dans le cours même du monde et de l’Histoire, avec pour boussole le souci d’articuler ses impressions à la lutte des classes et à un désir sur lequel il ne faudrait jamais céder…
J’aborde, maintenant, le vif du sujet, du moins tel qu’il m’est apparu quand j’ai pris connaissance de l’appel à communication.
Dans la préparation de cette intervention, il m’a semblé opportun de relire les trois exposés que j’ai présentés ici, dans le cadre de cette manifestation, et notamment celui intitulé « Se laisser de nouveau hanter », prononcé en décembre 2021, lors de sa XIVe édition, laquelle avait pour thématique « Communs/Commune/Communisme(s) ». Après m’être ainsi rafraîchi la mémoire, j’ai eu le sentiment, pour l’essentiel, que ce qui était advenu depuis, en France et dans le monde, n’infirmait pas les thèses avancées alors.
Cette assertion a de quoi surprendre (serais-je sourd et aveugle aux réalités ?) et agacer mes auditeurs (et mon futur lectorat) qui assimileront mes déclarations précédentes à une posture somme toute assez grossière (celle à laquelle bien des responsables mais aussi des militants de base, des instances dirigeantes, des formations politiques, syndicales ou associatives ont l’habitude de camper en revendiquant une clairvoyance et/ou une constance, ou les deux à la fois, une lucidité et une ténacité ayant fait ou faisant défaut aux autres).
Il n’empêche que, depuis les premiers jours de 2022, les événements témoignent tant à l’échelle planétaire qu’au niveau national d’une exacerbation des tensions et d’un approfondissement des situations de crise : ainsi, en Europe, de la guerre opposant la Russie et l’Ukraine soutenue par l’OTAN ; et, au Moyen-Orient, de celle qui ravage Gaza et le Liban, et qui déborde à leur périphérie, du Yémen à la Syrie, au risque d’un possible embrasement de toute la région ; enfin, en France, de l’aggravation du marasme politique et institutionnel, à la suite de la dissolution de l’Assemblé Nationale par le président Emmanuel Macron au soir de la défaite de ses affidés aux élections européennes, et après la censure du gouvernement Barnier, avec des conséquences économiques et sociales encore plus pénibles pour les classes et couches populaires. En fait, sur tous les continents, la globalisation accroît (à des degrés divers) le mal-être des individus et des peuples, les antagonismes et les différends, et la dévastation des ressources naturelles. On m’accordera qu’il serait inconsidéré et pour le moins désinvolte de qualifier ces bouleversements et vicissitudes de simples péripéties.
Vous pouvez estimer que je galèje : en parcourant cette contribution de 2021, « Se laisser de nouveau hanter », m’a effleuré la tentation de substituer le mot « révolution » à celui de « communisme », et de reprendre ces feuillets sans plus rien n’y changer ; l’idée d’une mystification de ce genre – je l’avoue – m’a traversé l’esprit. Mais rassurez-vous : je me suis interdit d’être aussi irrévérencieux à votre endroit, cette année nous ne célébrons pas le centenaire de Dada, même dématérialisées vous n’avez pas à craindre d’essuyer de ma part un quelconque jet de prunes – je vous le promets –, car je ne me suis pas mis en tête d’imiter André Dupont, alias Aguigui Mouna, quand celui-ci, dans la décennie 1970, au Quartier latin à Paris et place de l’Horloge à Avignon lors du festival de théâtre, prolongeait le geste des compagnons de Tristan Tzara ayant eu le toupet, cinquante ans plus tôt, de bombarder de fruits les spectateurs venus les écouter, et de les houspiller d’un joyeux « Vous êtes venus pour des prunes ! » Même si, dans des conjonctures analogues à la nôtre, la dérision peut constituer, dans l’ordre du symbolique et de l’imaginaire, une parade efficiente au désespoir, je vous en épargnerai le tour (et les détours), préférant vous inviter à un « itinéraire de pensée », à la portée de tous les inconscients (pour gauchir un papillon surréaliste fameux). Ce « parcours », je le baliserai de deux formules, l’une empruntée à Roland Barthes (« L’idée révolutionnaire est morte en Occident. Elle est désormais ailleurs. », in « Le Refus d’hériter », 1968) et l’autre à Gilles Deleuze (« Qu’est-ce que Mai 68 ? Un devenir révolutionnaire sans avenir de révolution. », in L’Abécédaire, 1988-1989/1995). Je m’interrogerai à haute voix (en évitant le plus possible la posture du « sachant ») quant aux conditions qui permettraient (demain ?) à un devenir révolutionnaire d’avoir un avenir…
En suivant ce lien vous aurez accès à la vidéo reprenant l'ensemble de ma communication :

Photographie de Yann Mossu.
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