En bord de Sarine, il se surprend à scruter l’horizon. Quotidiennement. Et plusieurs fois par jour. Depuis le bureau, à travers une large baie vitrée donnant sur le Christ roi, une tour d’habitation et deux lignes de montagnes, de la moyenne pas de la haute. Serait-ce son front des Syrtes ? Pas vraiment. Pourtant il attend. Mais quoi ? La chose ? Oui, celle-ci ou bien encore la neige, la neige ou la chose n’est-ce pas la même attente d’un autre monde, celui qu’à vingt ans il croyait à sa portée et qui aujourd’hui hante ses souvenirs, colloque sentimental d’une ribambelle de spectres en quatre couleurs… Les premières précipitations neigeuses, la semaine dernière, ont recouvert les plus hauts sommets et en traînées d’abcès se sont répandues sur les autres, lesquelles ont fondu dès le lendemain. Ce qui l’a agacé. Il guette donc, dans l’espoir d’un vent d’est. Hier, le médecin fribourgeois consulté en vue de contracter la couverture sociale dont il a besoin pour être à la fois en règle avec les dispositions locales et en mesure d’être si nécessaire soigné, sans avoir à repasser la frontière, l’a toisé : un mètre soixante-sept et demi, il en a été si surpris, en fait heurté, si bien qu’il lui a lâché un je-me-suis-tassé, et comme son interlocutrice a avoué son incompréhension il a renchéri : toute sa vie et jusqu’à cette heure, cela avait été un mètre septante… Ce matin, les cimes sont noyées dans l’étoupe et la brume.
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