Là où sera son bureau, lorsque l'antiquaire qui lui a vendu une table directoire en cerisier la lui aura livrée, l'érable dont le sommet dépasse la fenêtre devant laquelle il se tient a d'abord flamboyé puis il s'est figé en jaune safran et roux patinés avant de se préparer à l'hivernage en bronze éteint, la pluie continue et grise du début de la semaine a accéléré son effeuillage si bien que sa ramure en est dégarnie, branches brou de noix et bois au noir de suie, comme une méchante résille avec de la mousse et des lichens en guise de moisissures. La façade bistre de la cité perpendiculaire sur le trottoir de droite au boulevard a-t-elle été peinte pour être à cette heure en harmonie avec les allées arborées du quartier ? L'ample chantier de réfection des canalisations est à l'arrêt, les engins rangés et les cabines de repos pour le personnel fermées, la pose jusqu'à lundi, quelques passants traversent la rue en se hâtant, le temps ne se prête pas à la flanerie, aucun enfant sur la pelouse du parc Domino, pour les courses on a pris ses précautions, les chiens on les promènera que bien plus tard, les intérieurs briqués servent de refuge, derrière les murs des habitations la plupart des familles s'accommode d'une vie au cordeau et en cocon, un cadre propre et confortable, pas un mot plus haut que l'autre ni le moindre tonitruant désir, retenue et bienséance, dehors sol et atmosphère humides, chez soi conforme à la morale commune, pas d'aspérité, l'espace public et la sphère privée sont au diapason, à leur plus bas étiage, à la différence de la Sarine. Il s'y attendait : d'une vacuité l'autre, de l'agitation brouillonne et parfois carnavalesque laissée sur les berges de Garonne à la trop fade sagesse de cette ville, entre ces récifs, fureur et tempérance, il a à tracer sa route de manière que son désert devienne source de joie, et sa retraite fontaine de jouvence, parce que la beauté du monde alliée à la création console de la bouche d'ombre, au moins intellectuellement.
