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Ils ont voté et puis après ?





Chronique du Grand Arrière (17). En avril et juin, nous avons voté. Enfin, quand je dis que nous avons voté, je ne me raconte pas d’histoire, toutes et tous n’ont pas voté, et dans la tranche d’âge des 18-35 ans une grande majorité ne s’est pas déplacée à aucun des deux tours des législatives, il me semble indispensable de commencer par cela, la presse les spécialistes les observateurs les sondeurs les élus les battus et les militants parlent bavardent tranchent de tout et tracent des lignes, l’opinion publique divisée en trois blocs, la percée d’un camp, la possibilité de renverser la table, on est là même s’il ne le veut pas, il est possible de, il est certain que, on peut et on va gagner, le barrage a tenu, il se craquèle, on doit s’opposer à, ils ne passeront pas, toutes ces rengaines dont on se gargarise, mais il y a un fait qu’on occulte peut-être bien parce que la prise en compte de sa réalité ne ferait pas plaisir : plus d’un Français sur deux n’a pas voté, et d’abord chez les plus pauvres, les plus exploités, les plus en difficulté sociale, dans les quartiers populaires, et au sein de la jeunesse.


Cette réalité me déplaît mais je ne me réfugie pas dans le déni. Comme disait l’autre, la preuve que le pudding existe c’est qu’on le mange, a fortiori s’il a mauvais goût…


Oh la la, depuis ton Grand Arrière, mon camarade, tu vois tout en couleur de désespoir. Regarde plutôt les scores de Mélenchon et de la NUPES, l’espoir qui de nouveau s’est levé… Si tel ou tel ne s’était pas présenté, Méluch eût été au second tour et alors là… Et puis tous ses députés à l’Assemblée Nationale, hein, tu ne crois pas que cela va changer l’ambiance ?


J’arrête de rapporter en me gaussant les éléments de langage des charbonniers qui pensent que la foi vaut mieux qu’une analyse concrète de la situation concrète car celle-ci pourrait démoraliser les camarades et l’électorat. Je cesse d’ironiser, je viens de vous le dire, parce que ces gentils et sympathiques charbonniers sont animés par une telle foi qu’ils ne voient pas qu’à force d’annoncer les lendemains qui chantent et les grands soirs ils contribuent au phénomène qu’ils voudraient combattre, l’abstention, le repli sur soi, l’abandon de la quête de solutions collectives, le triomphe du consumérisme et cette faconde 2.0 qui fait que tout le monde sait tout sur tout et que chacun emmerde, non seulement le front national, mais toutes celles et tous ceux qui, même sur une ligne du programme, ne perçoivent pas la chose comme précisément tout le monde la saisit, bref l’arrogance ignorante qui prévaut sur les réseaux sociaux où pullulent les stratèges, c’est à se demander comment sans Facebook Lénine et les bolchéviques ont pu prendre le Palais d’hiver et Mao réussir la Longue Marche…


Trêve de plaisanterie, à quoi je songe ?


La présidentielle et les législatives expriment l’approfondissement de la crise politique que nous connaissons depuis… 1981, peut-être même depuis 1968, ou même encore depuis la Libération… Et elles soulignent combien les institutions de la Ve République d’une part ne correspondent plus à l’état politique et idéologique du pays et d’autre part sont allègrement contournées par la fraction politique au pouvoir, cet extrême-centre qui, comme partout en Occident, s’applique à gérer les affaires du capital financier à l’époque de l’économie distributive et de l’image dupliquée en recourant à l’autoritarisme et en soldant l’héritage démocratique qui, depuis le XVIIIe siècle, faisait que, dans pas mal de cas, les libertés formelles bourgeoises valaient mieux que la dictature dans ses différentes variantes…


Vous me trouvez abstrait ? Pour illustrer ma thèse, voyez Macron : il est élu, avec combien de voix ? quel pourcentage par rapport aux inscrits ? et parmi ceux qui ont glissé son bulletin dans l’urne combien y ont consenti pour faire « barrage » à Le Pen ? Eh bien malgré tous ces faits, Macron agit comme si toutes celles et tous ceux qui ont choisi son bulletin avaient opté pour son programme… Peu de journalistes le reprennent sur ce point… Et le même Macron se comporte comme si une immense majorité d’inscrits avait voté pour lui… Que voulez-vous, à l’ère du spectacle généralisé, en politique comme en pseudo philosophie, porter une chemise blanche équivaut à afficher sa légitimité et une supposée profondeur et pureté de vue… Ce qui est incontestable c’est que le blanc accroche la lumière devant les caméras, même les caméras vidéos…


Vous en redemandez, vous désirez une ou deux autres de mes observations ?


L’extrême-droite progresse, en voix, en pourcentage, en nombre d’élus. En particulier, chez les plus pauvres, les plus exploités, chez celles et ceux qui sont en situation sociale difficile. Cela m’interroge. Vais-je ne plus parler à mon voisin de palier lequel a pu voter à gauche pendant des années ? Comment essayer de le ramener vers nous ? Avec les slogans des charbonniers ? Même en les scandant en italien, il va vous falloir bien du courage et de l’aveuglement, parce que cela fait quarante ans qu’on fait cela et qu’on échoue…


Les partis de gauche constitués à partir du Congrès de Tours, en 1920, sont exsangues. C’est triste si on est nostalgique. Je trouve qu’on ferait bien d’abréger leur agonie. Une organisation, c’est un outil pas un fétiche. On s’en sert tant qu’elle est utile, quand elle est sclérosée, bureaucratisée, engluée dans le réformisme et le système et les institutions bourgeoises, on ne peut que l’abandonner à son triste sort. Le rêve de redresser de l’intérieur une structure de ce type est illusoire, le courant trotskyste dont les militants ont bien du mérite devant l’Histoire tarde à s’en apercevoir, c’est dommage pour les énergies perdues.


Et l’extrême-gauche, allez-vous m’interpeller ? Elle va bien, comme toujours, elle groupuscule, veille sur le mot juste, le mot d’ordre impeccable, scissionne régulièrement, se drape dans sa dignité pour ne pas travailler avec les sociaux-traitres, les révisos, les sociaux-démocrates, enfin toutes celles et tous ceux trop tièdes à ses yeux. Elle se réconforte en récitant ses manifestes, sans jamais s’interroger sur les raisons qui font par exemple qu’un éditeur bourgeois publie ses livres, ou qu’un animateur de télévision invite ses figures à son émission…


Oui, mon camarade, mais la NUPES, la N.U.P.E.S., tout de même la Nupes ! Ce qui a été fait n’est pas négligeable et Mélenchon que je ne connais pas a eu à ce sujet un mot qui m’a énormément touché parce que je dois être honnête je l’ai interprété à partir de ma sensibilité et de mon parcours : vous vous souvenez, le soir du Premier tour, quand il a dit « Faites mieux » à la fin de son allocution, feignant de répondre à celles et ceux qui le critiqueraient pour ne pas avoir gagné. Ce qui a été fait ? Épargner à la gauche une déroute historique ; rassembler ses forces autour d’un programme de réformes économiques, sociales et écologiques avancées ; créer la possibilité pour des courants différents et des femmes et des hommes qui n’ont pas sur tout les mêmes idées de s’unir pour faire, ensemble. Oui, se rassembler, lutter ensemble, sans adhérer à tout, cela, ce n’est pas rien. Probablement c’est et ce sera la voie de l’avenir. Pour faire mieux. Sauf si la NUPES demeure un mouvement d’élus tributaire du calendrier électoral et institutionnel, et non pas une organisation de masse à fonctionnement horizontal plutôt que vertical.


Mais faire mieux, du moins essayer, implique de ne pas se voiler la face. La gauche et l’extrême-gauche sont divisées ; chaque formation l’est, gravement, dramatiquement. Ici, j’aurais beaucoup à dire mais je préfère me taire pour là où je suis ne pas ajouter des éléments supplémentaires de division. Parmi vous, beaucoup ont compris : s’il parle et fait depuis le Grand Arrière, le sien, c’est qu’il continue de mettre la lutte des classes au poste de commande et pas telle ou telle revendication ou cause sectorielles. C’est exact, mes amis mes camarades. Je m’efforce de faire et de dire depuis ce Grand Arrière parce que je suis triste de voir le vent d’ouest nous apporter, via internet la presse les médias participant des nouvelles technologies des appareils idéologiques comme l’école, une vision des rapports humains et sociaux qui liquide Freud et Marx, pour ne citer qu’eux, au profit d’une morale et d’une indignation qui érigent celles et ceux qui les profèrent en petits timoniers des écrans, et prescrivent à tous les autres comment ils doivent désormais parler écrire aimer rêver et désirer. Je vous choque ? Tant pis. La nov’langue de Big Brother a plusieurs dialectes, elle n’est pas seulement coulée dans l’anglais de la City ou de Wall Street, c’est bête qu’à gauche on peine à l’appréhender. Pour faire mieux, demain, il faudra ne plus mettre un mouchoir sur ces contradictions et décider si la vocation des forces populaires est d’abord de servir les plus exposés à la domination capitaliste ou de défendre les aspirations des couches petites-bourgeoises, en particulier intellectuelles. Vous pouvez maintenant me vilipender et me conspuer, je n’en ferai pas pour autant mon auto-critique.




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