Chronique du Grand Arrière (14). On aura beau dire, beau faire, on ne me convaincra pas de devenir un Occidental, je suis et demeure un citoyen du monde que le hasard de la naissance et qu’ensuite la culture dans laquelle il a grandi ont modelé comme étant un Européen, c’est-à-dire non pas un partisan de ce machin technocratique destiné à dessaisir les peuples de leur souveraineté dont le siège est à Bruxelles, mais un sujet humain singulier qui se reconnaît chez lui, de l’Atlantique à l’Oural, car capable de discerner dans les spécificités de ce vaste ensemble de peuples et de cultures un agencement historique finalement à la fois fragile et cohérent, et au sein duquel il est français, un Français né en Algérie d’un père espagnol jamais naturalisé et d’une famille maternelle d’origine italienne française depuis trois générations, lequel Français s’emplit d’émotions et de souvenirs quand il évoque l’Algérie l’Espagne et l’Italie, et peut néanmoins se sentir chez lui partout où il lui est possible de poser son baluchon ses livres et ses cantines pour y travailler y vivre et y lutter avec celles et ceux qui, pour ce faire, lui font une place parmi eux... Dernièrement, l’autre, à Varsovie, a eu l’indécence de dire : « Pour l’amour de Dieu... ». Inutile de lui rappeler les vilenies commises par son impérialisme aux quatre coins du monde. Je préfère relire Molière et adopter la formule « pour l’amour de l’humanité » qu’il prête au personnage éponyme de Dom Juan lorsque celui-ci fait l’aumône à un vagabond. De même qu’il est bon que les vivants laissent les morts prendre soin des défunts, au lieu de les embrigader et les instrumenter dans leurs disputes querelles et rivalités, il me paraît préférable de ne pas solliciter Dieu son armée archangélique et ses saints pour résoudre les conflits des hommes. À ces derniers il incombe en toutes circonstances de se parler et de se comprendre. C’est difficile et exigeant, et parfois cela nécessite de se faire violence afin de parvenir à maintenir la relation avec les autres. Mais ce n’est pas impossible. J’en suis persuadé, du moins je veux le croire. Oui, vous avez compris, comme le chantait Mouloudji, je suis athée, ô grâce à dieu…
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