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Toutes les cases du damier ont été remplies...


Toutes les cases du damier ont été remplies. Le premier jet de mon prochain roman, Une désarmée des morts, est terminé. Je l'ai relu, une première fois ; il me semble que cela tient. 175 feuillets. Un texte plus long que celui que j'envisageais (autour de 120 feuillets). Les dernières semaines de la rédaction ont été heureuses. Ce fichier désormais va "reposer" et dormir". Trois mois. Ce n'est qu'à l'été que je compte le rouvrir pour une ultime lecture et les corrections définitives. Il faudra alors que je tranche : pendant l'écriture du livre, en cette fin d'hiver j'ai en effet été pris par le doute concernant son architecture et donc le tressage des différents "univers" de narration, me demandant si je ne devais pas renoncer à cette structure pour adopter (pour la première fois depuis des années) la forme (traditionnel) d'un seul et unique récit, ce qui traduirait une sorte de "capitulation" de ma part (renoncer à une forme perçue comme difficile par une partie des lecteurs en vue d'atteindre à une plus large audience). Pour l'heure, j'avoue que le travail de ces derniers jours m'incite plutôt à ne pas aller dans cette voie du "compromis" avec l'air du temps, le manuscrit m'a en effet paru "bien tenir". Quoi qu'il en soit, je dois maintenant m'en extraire et vivre ; cet été, je déciderai, à tête reposée.


Pour vous donner envie de guetter la publication de ce roman, ses deux derniers feuillets :


"Les funérailles de Véronique seront bientôt terminées, sa dépouille va reposer dans le caveau familial des Garranch au cimetière de Blaignan, le prêtre s’égosille d’une formule de l’évangile de Jean ou d’une de ses lettres, Maurice déconcentré, son cerveau ressemble à une passoire du présent il ne s’imprègne de rien, dans sa cervelle c’est un encombrement un embouteillage ou plutôt une inondation, un brouhaha de phrases et de phrases, une diarrhée, parfois il y en a une qu’il entend mieux que les autres, plus distincte mieux détachée, l’espérance installée dans la gloire de dieu ne nous déçoit pas, celle-ci Maurice l’a enregistrée, nettement, entre deux plongées dans un tourmentant passé, il est dans le coton, entre deux époques et deux situations, non qu’il cherche à s’absoudre ni à se dédouaner, pas davantage à réparer, encore faudrait-il qu’il se reproche un acte quelconque ou une parole, et qu’il regrette de l’avoir commis ou de l’avoir prononcée, ce n’est guère son genre, il ne s’explique pas le marasme dans lequel il est tombé ni le continuel et involontaire jaillissement de ces images affreuses, de sa dispute avec Véronique, une très spéciale matinée de 2005, un autre que lui quoique lui ressemblant de manière confondante campe dans sa mémoire, et avec lui Véronique, sa garce de femme, même morte elle ne lui débarrassera donc pas le plancher, comme pas deux la guigne, l’apôtre médulien du christ a parachevé sa harangue dans l’emphase, nous savons que nous sommes passés de la mort à la vie, Lalanne dans un sursaut a dressé l’oreille, celui qui n’aime pas demeure dans la mort, derrière le cercueil de Véronique il piétine, et à sa suite plusieurs dizaines de personnes arborant la mine de la commisération, la Loustalet s’est rapprochée de Maurice et le soutient, elle a vu qu’il n’était pas trop gaillard, il lui murmure à l’oreille, le cureton il m’en veut ou quoi, il s’adressait à moi avec son quiconque a de la haine contre son frère est un meurtrier, Myriam lui sourit et enchaîne aussitôt sur un baiser qu’elle lui envoie circonspecte, ils sont en public et dans la maison de dieu, elle l’a esquissé ce baiser si bien que si quelqu’un l’a surprise il hésitera à trancher entre le bécot et la moue, et dans un souffle elle s’efforce de tranquilliser son amant, grâce il a été rendu à dieu dans sa paix il peut aller, nul sous-entendu à redouter : elle le certifie, Maurice se le répète, il n’était pas dans le viseur, ni accusé ni soupçonné, le prêtre dans son ministère a voulu évangéliser son troupeau, sauf en proie à une complète paranoïa personne de sensé ne peut penser que l’exhortation finale du prêtre s’adressait à lui, pas un meurtrier n’a la vie éternelle, et comme Jésus qui a donné sa vie pour nous nous aussi nous devons donner nos vies pour nos frères, dans la travée de l’église Saint-Pierre de Blaignan Maurice Lalanne progresse avec le glas derrière la bière de Véronique Sautron, de part et d’autre de l’allée l’assistance attend que le cortège aille plus avant vers la sortie pour le rejoindre, au fur et à mesure qu’il avance ainsi, Maurice constate chez l’ensemble des villageois voisins connaissances et relations une componction de bon aloi, sa gorge en est moins serré, il déglutit mieux, tantôt sur le parvis ils défileront pour lui présenter leurs condoléances, il fait un pas de plus et ferme de nouveau les yeux, le signe qu’il reprend le contrôle de ses émotions et qu’il est en train de surmonter son angoisse, mais paupières abaissées la crise repart, plus virulente… Il a abattu sa main sur Véronique, celle-ci a hurlé et d’un bond a quitté le lit conjugal échappant à Maurice qui n’a pas été assez rapide pour lui saisir le bras, grognant son désappointement et sa rancœur lui-même ne traîne pas il saute sur sa jambe valide et à cloche-pied agitant les membres supérieurs comme des balanciers il la poursuit à une rapidité qui la stupéfait et la ralentit d’un dixième de seconde, lequel l’empêche de fermer la porte de la salle de bain derrière elle, il a propulsé toute sa masse ventre et torse dans l’entrebâillement, elle gueule il rugit et il la gifle, sans interruption elle crie et recrie avec encore plus d’intensité, à Barrouille à cette heure-ci il n’y a qu’eux, huis clos pour l’abattoir, elle crie donc et lui la cogne et pas pour rire, un coup sur le plexus la plie, il en profite pour lui empoigner la chevelure et emboutir son visage à la volée contre la fonte de la baignoire-lion, cela craque, peut-être que cela gicle, il le suppose… le noir s’est fait, combien cela a-t-il duré ce noir, dans sa tête quand cela s’est rallumé il avait du sang du pied au nombril, il était sur Véronique, elle respirait mal, il a mis de l’ordre a nettoyé s’est préparé, sa poitrine à elle se gonflait et se dégonflait toujours, ce qu’il a fait il ne s’en souvient plus, et puis d’emblée il a songé qu’il valait mieux ne pas traquer ce que les abysses de sa conscience avaient escamoté, ce dont il est sûr, il revoit son geste, c’est quand il a appelé la gendarmerie, allo, venez vite dépêchez-vous, j’ai besoin d’aide ma femme dans notre salle vient de tomber il faut la secourir venez tout seul je n’y parviendrai pas… En accéléré le film sous ses paupières closes, il en déduit que pour avoir la paix il doit conserver les mirettes sous tension, ébloui par la vague lumineuse qui dévale du porche Maurice cligne : là-même aux jours de deuil, comme Véronique Sautron vont les femmes brunes surun sol spécieux, au temps des équarrissages familiaux, lorsque la nuit s’égale au jour, et que dessus les règes, lourdes de rêves d’or et d’envies, se répandent d’inexcusables jalousies.


Dans le silence, bien que frissonnent les branchages et le feuillage derrière lesquels elle s’abrite, comme le duvet des femmes au paroxysme du plaisir, du moins selon la représentation que les hommes s’en font, des femmes et de leur jouir, progresse une infernale armée des morts."




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